theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Non c'est pas ça ! (Treplev variation) »

Non c'est pas ça ! (Treplev variation)

Laureline Le Bris-Cep ( Conception ) , Gabriel Tur ( Conception ) , Jean-Baptiste Tur ( Conception )


: Note d’intention

Nous sommes trois, à la fois metteurs en scène et acteurs ; le désir de mettre en rapport nos univers nous a conduit à prendre comme point de départ une oeuvre fondatrice : La Mouette d’Anton Tchekhov. Mais ce n’est pas ça, ce ne sera pas ça, ce ne sera pas La Mouette. Pas une adaptation, ni même une réécriture, plutôt une digression, une variation inspirée de l’oeuvre : une « non-mouette ».


Tchekhov nous parle depuis une époque de bouleversement, et de remise en question de la société, c’est peut-être l’une des raisons pour lesquelles son écriture est aujourd’hui si actuelle, et pourquoi ses textes ne cessent d’être montés. Aujourd’hui, nous transposons ce mythe avec nous, notre époque, notre jeunesse, dans un balancement perpétuel de l’espoir au découragement. La mise en abyme qu’offre le texte de Tchekhov – la pièce dans la pièce - nous permet de mettre en perspective notre propre confrontation à cette oeuvre. Il ne s’agit pas comme Treplev de chercher à tout prix « des nouvelles formes « mais de mettre à jour un processus de travail. Se placer et se maintenir en déséquilibre, risquer, risquer la chute, accepter d’être fragiles, rater, et faire de cet endroit le principal moteur de jeu. C’est cela que nous définissons comme théâtralité zéro, et comme notre principal axe de recherche autour du comédien.
Par un travail d’improvisation, où les thèmes, les réseaux de sens contenus dans la pièce de Tchekhov ont été déclinés, nous recomposons et écrivons un objet fictionnel. Nous nous servons également d’extraits de textes d’Edouard Levé (Autoportrait et Suicide), et de compositions musicales jouée en direct au plateau.
Dans notre fiction, les trois comédiens/personnages que nous incarnons, faisaient partie d’une distribution « classique » de La Mouette. Quelques jours avant la représentation, ils apprennent le suicide de leur ami et metteur en scène. A la suite de cet évènement, les autres membres de la distribution ont quitté le projet, ils se retrouvent donc tous les trois. Alors qu’ils étaient distribués dans des rôles secondaires, ils veulent toutefois maintenir le spectacle et le jouer coûte que coûte. Ainsi, d’obstacles en obstacles, ils tenteront en vain, mais toujours tenus par l’espoir, de jouer La Mouette. Dans cette errance, nos protagonistes se verront remettre en question leurs rapports à l’amour, leurs situations d’artiste ou d’individu dans cette « société du vide », (comme le définit Gilles Lipoveski), société de déception. Nous partons ainsi de la temporalité réelle du plateau, de la représentation en échec, dans un rapport au public direct, pour progressivement s’en éloigner et ouvrir à des temps et des espaces plus oniriques. En ce sens, la musique jouée en direct accompagne et constitue un pont vers la mise en distance du réel.
En pleine situation de crise entre nos trois figures, l’actrice qui jouait Arkadina, fait irruption sur le plateau, interrompant ainsi l’action. Cette comédienne sera comme un miroir contemporain du rôle qu’elle incarne, renforçant le parallèle entre la fiction de Tchekhov et celle qui se déroule dans les rapports entre les comédiens. Par son intervention, elle invitera les comédiens à « retourner dans le théâtre », regagnés par l’espoir. Avec l’apparition de cette comédienne, tournant déterminant du spectacle, nous cherchons à sortir de « l’entre jeunes », et valoriser le concept de transmission et d’échange entre les générations d’acteurs, avec humour et poésie.
Finalement, ce spectacle traite du ratage pour interroger la pression, la course à la réussite dans cette « culture du narcissisme » (Christopher Lauch). Le ratage peut-il être choisi plutôt que subi, comme une alternative aux modèles de réussite ?
Interroger cette impuissance, cet inaccompli, ce ratage et cet échec de l’idéal comme le terreau de notre monde contemporain. Chercher ce symptôme d’une mouette mazoutée, tuée au bord du lac duquel elle n’est jamais partie. Car nous ne nous reconnaissons pas seulement en Treplev ou Nina mais aussi dans l’inassouvissement, le combat pour vivre dans des rêves non réalisés que tous les personnages de Tchekhov portent en eux ; ils sont, nous sommes, tous des Mouettes.

Laureline Le Bris-Cep, Gabriel Tur, Jean-Baptiste Tur

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.