theatre-contemporain.net artcena.fr

Accueil de « Mars »

Mars

+ d'infos sur le texte de Fritz Zorn traduit par Gilberte Lambrichs
mise en scène Darius Peyamiras

: L'ACTEUR PRÉDICATEUR

par Noëlle Renaude

Participant de cette forme désormais courante du monologue ou du discours solitaire, Mars a fourni au théâtre un mode oratoire particulier : celui du sermon. Fonction rarissime et mission nouvelle d'un art dramatique qui, sans se donner le but recherché par la prédication et les orateurs sacrés, à savoir la catéchisation, la conversion ou l'évangélisation d'une masse de fidèles, agit toutefois sur le spectateur comme un efficace révélateur métaphysique.


Ce texte vise au sens de la condition de l'homme par le biais du sensible ; l'acteur cherchant, comme le prédicateur selon Bossuet, à parler "au fond du coeur" de qui l'écoute. Non dogmatique, ne proposant aucune solution aux problèmes qu'il pose, ce texte n'imite bien évidemment le sermon que dans sa forme et l'effet magistral qu'il produit.


La structure de Mars (parlons surtout du montage qu'en a fait Darius Peyamiras, qui resserre, recentre le récit de Fritz Zorn, chronologiquement bouleversé et débarrassé de ses redondances) serait celle de l'oraison funèbre composée de la main même du mort, offrant à ceux qui le suivent une leçon tirée de sa propre existence : récit autobiographique, exemples bibliques et enseignement moral - disons plutôt mise en lumière d'une éthique de vie ou de mort, Zorn rejette vigoureusement cette morale traditionnelle, bourgeoise et chrétienne, ce "comme il faut" qu'il résume, par le vocable "Dieu" et qu'il assassine.


La parole de Mars, divisée en larges pans oratoires, que dessine avec plus de violence et de clarté encore la mise en scène, et que sont le récit, le procès, l'imploration, etc... pourchasse méthodiquement l'intolérable misère de l'homme liée à sa condition de mortel. Analysant de façon cruellement lucide le mal physiologique qui le ronge, Zorn le traduit en maladie de l'âme. Il en traque les causes, familiales, sociales, éducatives, et sa souffrance, intimement ressentie, lui sert à évaser sa réflexion. De l'individuel, il accède par ricochets à l'universel, au cosmique.


C'est par la voix et le corps de l'acteur que cette parole, sur la scène de théâtre, prend ce singulier accent sacré. Confronté exclusivement à la parole et non au personnage de théâtre - Jean-Quentin Châtelain n'est pas Fritz Zorn mais porteur du discours de Fritz Zorn - il s'approche de l'art du prédicateur.
La mission philosophique ne gomme jamais complètement l'aspect dramatique, voire ludique de la représentation. La preuve en est que de toute cette douleur remuée naît le rire. Zorn, celui qui n'a jamais ri parce que "ça" ne riait pas en lui, porte sur son propre tragique un regard ironiquement dévastateur qui fait rire. Et la distance qu'y inflige de surcroît Jean-Quentin Châtelain, par son propre rire cette fois, en accentue encore la charge comique.


in Théâtre Public

imprimer en PDF - Télécharger en PDF

Ces fonctionnalités sont réservées aux abonnés
Déjà abonné, Je me connecte Voir un exemple Je m'abonne

Ces documents sont à votre disposition pour un usage privé.
Si vous souhaitez utiliser des contenus, vous devez prendre contact avec la structure ou l'auteur qui a mis à disposition le document pour en vérifier les conditions d'utilisation.