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Les Figurants

mise en scène Jean-Paul Wenzel

: Entretien avec José Sanchis Sinisterra

Extraits de l’entretien accordé à Juan A. Rios Carratala, le 11 novembre 2005, suite à son Prix National de Littérature Dramatique


Je viens d’une famille scientifique. De fait, je suis la brebis noire d’une famille de scientifiques, mais j’ai conservé la vocation d’appliquer au territoire si ambigu et mystérieux de l’art certains des paramètres de la pensée scientifique. J’ai exploré la physique quantique, la théorie du chaos, la théorie générale des systèmes... ce sont des aventures intellectuelles desquelles j’ai tiré peu de profit parce que mes capacités dans ces domaines sont limitées. Mais, tout au moins, elles ont nourri mon souci de systématiser les concepts et les modalités dramaturgiques. (…)


A titre d’exemple, si on parle du dialogue, la majorité de ceux qui s’écrivent se basent sur une structure très simple : A interpelle B, B interpelle A. c’est l’échange conversationnel que nous utilisons plus ou moins dans la vie quotidienne. Mais si l’on commence à investiguer et qu’on y applique les théories que je viens d’indiquer, on découvrira qu’il n’existe pas qu’une seule classe de dialogues, mais de nombreuses. On rencontre, par exemple, des dialogues dans lesquels je te parle à toi, mais pour une raison mystérieuse, tu ne me réponds pas, mais tu t’adresses à un tiers. Quand tu commences à jouer avec des variables logiques, tu te retrouves avec 18 types de dialogues différents, dont la plupart n’ont pas encore été utilisés. (…)


Je tâche d’ouvrir l’écriture à de la pluralité, variété, diversité, de sorte que l’auteur se trouve devant un champ infini, qui donne parfois le vertige, afin d’explorer des aspects de la réalité humaine avec des formes théâtrales plus complexes que celles utilisées habituellement.


Mon intérêt pour la physique quantique vient, en dehors de ma curiosité intellectuelle, de mon désir de résoudre des problèmes dramaturgiques. Nous avons l’habitude d’organiser l’espace et le temps dramaturgiques selon un mode très newtonien, mais nous savons par la physique quantique que la réalité est beaucoup plus complexe. J’ai commencé à explorer ce domaine précisément pour enrichir, complexifier l’usage du temps et de l’espace dramaturgique. Il faut se rappeler que rien de ce qui est humain n’est étranger au théâtre.


Je m’intéresse davantage aux perdants, aux marginaux, aux figurants… qu’aux protagonistes ou vainqueurs. C’est une question de sympathie personnelle. Mais aussi, parce que je crois que les autres ont déjà des possibilités de se faire connaître et de briller dans les médias et dans l’Histoire plus ou moins officielle.
J’aime écouter la voix ou donner voix aux ignorés, aux perdants… ça, ça pourrait être une constante de mon écriture. Avec l’humour. Pour moi, l’humour est une façon de considérer la réalité, de la transmettre et de la désacraliser. Et ceci, évidemment, touche aussi les personnages qui peuvent sembler dramatiques parce qu’ils sonts des perdants ou pathétiques parce qu’ils sont marginaux. Je ne crois pas qu’il faille être paternaliste et tolérant jusqu’à les sacraliser. Ce qui m’intéresse, c’est de les lancer dans le monde de la scène avec leur ridicule, que nous, humains, partageons tous. Je pense que la tendance à l’emphase, à la sacrilisation, à l’idéalisation est dangereuse.

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