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Le Nom sur le bout de la langue

+ d'infos sur l'adaptation de Pascal Quignard ,
mise en scène Marie Vialle

: Entretien Pascal Quignard / Marie Vialle

Réalisation : Théâtre de la Bastille

Marie Vialle, comment avez-vous eu l'envie de porter à la scène Le Nom sur le bout de la langue ?


Marie Vialle : Je ne sais pas. Je voulais le faire à tout prix. Je crois que cela me réapprenait quelque chose de dire ces mots-là, cela me donnait envie de parler. Choisir ces mots-là et que ce soit moi qui les choisisse au lieu que quelqu'un d'autre le fasse pour moi, ça m'apaisait.


Pascal Quignard : Je pense que c'est un peu en son nom propre que Marie parle sur scène. Ce sont des contes qu'elle a choisis. Là, c'est une violence qui n'est pas du tout dite comme au théâtre, elle peut reprendre dans son corps propre l'entièreté du dialogue. C'est pour ça que dans Triomphe du Temps, la suite si l'on peut dire, eh bien tous les dialogues, bien qu'il y ait un autre acteur sur scène, ne sont pas proposés comme tels, c'est Marie qui les assume entièrement et qui incarne ces violences là. Je dois reconnaître que j'ai une déficience, je ne comprends absolument rien au théâtre «mariage, infidélité » de Molière, de Tchekhov, de Feydeau... Je n'y comprends rien, ça m'a toujours barbé au dernier degré. Alors que des choses très mélancoliques, comme le nô, comme la tragédie m'emplissent de joie.


Pascal Quignard, était-ce la première fois que l'on vous proposait, comme ça, de transposer au théâtre un texte de vous ?


P.Q. : Non, mais c'est la première fois que j'ai eu envie de modifier la chose et c'était grâce à Marie. J'ai senti qu'elle ne faisait pas quelque chose de naturaliste. J'ai le malheur ou le bonheur d'avoir, au cinéma comme au théâtre, des transpositions très respectueuses. Avec Marie, c'est différent, elle est son propre metteur en scène. Je crois beaucoup à son intuition. Dès le début, j'ai senti que ce n'était pas une lecture de conte qui m'intéressait avec Marie, mais c'était de trouver quelque chose qui pouvait nous être propre. Pour notre deuxième expérience, j'ai écrit une suite de contes un peu comme les suites baroques de violoncelles.


Marie Vialle, pour ce spectacle, vous avez choisi de travailler seule. Pourquoi?


M.V. : Je n'avais encore jamais fait ça et je sentais que c'était quelque chose de très personnel. Je ne pouvais pas demander à quelqu'un de le faire à ma place ou de me diriger. Cela n'aurait pas été juste. Et je ne voulais pas entraîner des comédiens avec moi dans une aventure qui me paraissait trop risquée. Après, je me suis vraiment retrouvée toute seule, alors je me suis dit : bon, je vais prendre mon violoncelle parce qu'il se trouve que je joue de cet instrument.


Le conte aussi ne peut pas être démembré en plusieurs personnages. Le conte, est-ce que ce n'est pas d'abord un narrateur ?


P.Q. : Cela s'est fait très souvent de psychologiser et de distribuer des rôles dans les contes et c'est pénible en effet. Moi, je mettrais toute la littérature sur une rive et je mettrais sur une autre rive, beaucoup plus animale, le rêve involontaire. Il n'y a pas que les hommes qui ont ces rêves, les chats, les tigres ont aussi des rêves involontaires. Et je mettrais au milieu le conte. Le conte n'est pas quelque chose de complètement humain. Le conte ne peut pas être joué, habité comme un personnage. C'est souvent moitié animal, moitié humain, c'est quelque chose qui est d'un seul bloc. Cela, Marie le sent aussi. Et c'est pour ça que c'est très intéressant qu'il y ait Lam Truong, qu'il y ait une autre personne, comme un assistant muet.


M.V. : Pour moi, on est là tous les deux et l'on se répartit les tâches. On joue vraiment à deux, sauf que moi je prends en charge la parole. Je ne joue pas pour lui, on joue tous les deux l'ensemble.


P.Q. : Dans le chamanisme, il y a toujours deux officiants. Il y a celui qui s'en va dans la transe et celui qui reste et qui permet à l'âme qui a voyagé de revenir. On l'appelle l'acolyte ou parfois le linguiste, ou le porte-bâton. Il y en a un qui voyage et l'autre qui parle. Pas du tout comme le mime et l'acteur. Il y a vraiment celui qui reste sur terre et qui rapatrie. C'est une très vieille fonction divisée par deux comme ça, la transe.


RÉALISATION THÉÂTRE DE LA BASTILLE / 2006

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