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La Chapelle-en-Brie

+ d'infos sur le texte de Alain Gautré
mise en scène Alain Gautré

: Entretien avec Alain Gautré

Quel est le sujet de La Chapelle-en-Brie?


Alain Gautré : Je voulais parler du silence. Mon père était Briard. C’est une région où le silence joue un rôle très important. Mon enfance a été profondément marquée par le silence de mon père. Mais cette pièce n’est pas autobiographique, c’est une fiction indépendante de ma vie personnelle. Je raconte la fin d’un monde. Pour moi la plus grande tragédie, c’est la vitesse, l’accélération qui intervient à partir du XIXè siècle. Je pense que cela provoque des bouleversements hormonaux qui agissent sur la psyché. Les personnages de la pièce sont victimes de l’accélération. Ce sont quatre frères qui se retrouvent le jour de la Toussaint dans la ferme familiale. Ces quatre frères sont les fruits d’un croisement impossible. Cette pièce est aussi l’histoire d’une famille politique, l’histoire de la droite ordinaire. Je trouve fascinant, par exemple, qu’un système quasi mafieux ait pu à un moment donné mettre la main sur la première ville du pays et sur certaines régions. C’est aussi une pièce sur l’inconséquence des êtres humains. Son héros défend la Brie et ses valeurs et en même temps il vend la terre.


On pourrait dire que cette pièce ainsi qu’une bonne partie de votre théâtre relève au fond de la satire sociale. Êtes-vous d’accord avec cette définition ?


A. G. : Satire ? Oui, c’est même quelque chose qui m’a parfois joué des tours, ce côté satirique. Ce que je cherche c’est comment être mordant tout en restant généreux. J’aime trop la raison pour tomber dans le mépris. J’aime trop l’humain, même si notre époque est terrible. Car les monstres ne sont jamais loin derrière l’humain tant sont présents l’égoïsme et l’ambition. La civilisation tient à très peu de chose au fond. Il s’en faut d’un rien pour basculer dans la barbarie. Ce que défend la civilisation c’est ce « pas grand-chose » justement. Je respecte la faiblesse humaine. Alors j’essaie d’être un moraliste ; je tape sur tout le monde.


Vous êtes à la fois acteur, auteur, metteur en scène. Vous avez même enseigné l’art du clown. Est-ce que cela a une influence sur votre écriture ?


A. G. : Incontestablement. Selon moi, au théâtre, il n’y a que deux personnes qui soient indispensables : l’acteur et le spectateur. Les autres doivent se mettre au service de cette relation, y compris l’auteur. Cette obsession d’apposer des étiquettes, de définir qui on est, c’est un problème typique de la société française. Pour ma part, je ne choisis pas. Mais je sais que la pratique du clown a une influence sur mon écriture. Car j’accorde beaucoup d’importance au rire. Enfant, j’inventais mes propres histoires que j’interprétais. En fin de compte, mes références, ce sont le théâtre élisabéthain et Molière. Molière, je me sens très proche de lui parce que c’est un acteur et cela apparaît dans son théâtre, même à la lecture où l’on voit bien que c’est un acteur qui écrit. Quand il jouait Le Misanthrope, le public de l’époque était mort de rire. C’était un grand auteur mais c’était également un grand clown. En lisant son théâtre, on devine le travail du corps. On voit la poésie du geste.

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