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La Cantatrice chauve

+ d'infos sur le texte de Eugène Ionesco
mise en scène Jean-Luc Lagarce

: Entretien avec Jean-Luc Lagarce

retranscription

En 1992 Jean-Pierre Han reçoit une commande des éditions Gallimard pour écrire une étude en ouverture à La Cantatrice chauve d'Eugène Ionesco.
Il n'a pas vu la mise en scène que vient de réaliser Jean-luc Lagarce, celui-ci lui explique, lors d'un entretien au café Sélect à Montparnasse, le spectacle et ses intentions. Un changement de politique éditoriale des Éditions Gallimard ne permettra pas que paraisse le livre.

Jean-Luc Lagarce : La Cantatrice chauve est une pièce sur l’absurde évidemment‚ mais le spectacle que j’en ai tiré n’est pas si absurde que cela‚ il est au contraire très logique. Le public paraît surpris de sa cohérence. Il s’attend‚ la plupart du temps – j’ai pu le constater lors des débats que j’ai faits – à une pièce qui tiendrait de l’écriture automatique‚ ce qui n’est pas faux pour la fin. En revanche les premières scènes‚ les « grandes » premières scènes‚ entre Monsieur Smith et Madame Smith‚ sont très cohérentes.
J’en suis arrivé à la conclusion que les gens ne connaissaient pas bien cette pièce dont ils ont une idée a priori. Dans le spectacle que j’ai réalisé‚ le public rit beaucoup. Il est surpris de rire‚ parce qu’il pense que le climat d’une pièce de l’absurde est toujours gris !

Jean-Pierre Han : C’est terrible ce que vous dites : les gens s’attendent à quoi et pourquoi viennent-ils alors ?

J.-L. L. : Ils viennent comme on va au musée ; ils viennent voir un classique du XXe siècle. C’est ce qui est en train d’arriver à Samuel Beckett. Je parle de Beckett parce que je voulais mettre en scène En attendant Godot‚ mais je n’ai pas pu obtenir le droit de jouer dans toute la France alors j’ai renoncé. En attendant Godot et La Cantatrice chauve sont deux classiques du XXe siècle. On s’attend donc à voir des représentations… classiques !

J.-P. H. : On ne saurait classer votre spectacle dans cette catégorie !

J.-L. L. : Ce que j’ai fait est très… coloré ! Prenez le décor : c’est une maison ou plutôt la façade d’une maison ; tout se passe sur une pelouse très anglaise‚ un petit jardin très simple‚ avec une maison blanche et des petites fenêtres. Mais même si le spectateur ne s’en aperçoit pas au début‚ il va vite sentir qu’il y a comme un problème de perspective. Tout a l’air absolument normal‚ mais la maison est un tout petit peu plus petite qu’elle ne le devrait.
Des effets de perspective font qu’à un moment donné‚ il y a quelque chose qui ne va pas très bien. L’idée de la façade de cette maison qui est en bois‚ comme dans un tableau de Hopper‚ est importante ; l’effet est volontairement appuyé pour que l’on sente bien qu’il n’y a là qu’une façade‚ c’est-à-dire un décor. On est là pour faire semblant et on sait qu’on fait semblant.
Lorsque les comédiens ouvrent les portes ou les fenêtres‚ on voit que derrière‚ il n’y a rien. Donc‚ devant cette façade toute blanche‚ il y a la pelouse verte avec une haie verte. C’est dans ce décor qu’évoluent les couples qui sont interchangeables.


Les deux femmes sont habillées exactement pareil. Elles ont des costumes qui « font » très reine d’Angleterre – ni moi ni la costumière n’y avions pensé‚ mais tout le monde nous l’a fait remarquer ! – Elles ont des tailleurs type Chanel‚ un peu roses‚ avec des chapeaux à fleurs… Les deux hommes sont également habillés exactement de la même façon avec des costumes gris‚ c’est cependant très coloré parce qu’ils ont des cravates orange !
À raconter les choses ainsi on pourrait penser à quelque chose d’un peu kitsch‚ c’est en fait simplement très coloré‚ et je pense aux couleurs qu’il y a dans Mon Oncle de Jacques Tati ; on est entre le dessin animé et le feuilleton américain des années 50.


Les deux femmes sont habillées pareil et les deux hommes aussi‚ mais la distribution joue des effets de contraste. À la création‚ Monsieur Smith était interprété par un acteur assez rond‚ pas très grand. Il faisait moins de 1,70 m. Madame Smith est une actrice très grande et avec des talons et un chapeau‚ elle arrive à 1,90 m. Madame Martin est une actrice qui mesure 1,48 m. Quant à Monsieur Martin c’est un grand garçon maigre. Il y a donc bien deux couples habillés exactement de la même manière‚ mais avec de drôles d’effets de perspective…

J.-P. H. : Des effets de perspective que l’on retrouve au niveau de la mise en scène ?

J.-L. L. : Bien sûr ! Cela dit il faut parfois être capable de décaler le travail de mise en scène surtout après vingt représentations pendant lesquelles on s’est rendu compte que certaines scènes étaient reçues d’une manière que l’on n’avait pas prévue.


Ainsi‚ par exemple‚ à un moment donné dans le spectacle‚ les Martin arrivent derrière la haie. On a calculé la hauteur de cette haie par rapport à la hauteur du chapeau plein de fleurs de Madame Martin. On voit donc arriver Monsieur Martin avec devant lui un bouquet de fleurs et on pense alors qu’il est seul. Les deux acteurs marchent le long de la haie et quand ils sont devant nous‚ une porte s’ouvre et apparaît une dame qui est exactement la réplique de celle qui vient de sortir mais qui‚ elle‚ mesurait 1,90 m ! C’est un gag stupide‚ mais qui a fait un « tabac » à chaque représentation…
J’ai néanmoins « décalé » le jeu de cette scène sinon les acteurs étaient obligés de s’interrompre à cause des rires des spectateurs. Par ailleurs j’ai demandé aux acteurs de jouer de manière très sérieuse.

Pour ce qui concerne le personnage de la Bonne‚ j’ai pris au pied de la lettre une réplique du début de la pièce qui dit je ne suis pas Mary : « Mon vrai nom est Sherlock Holmes » ; elle est donc Sherlock Holmes.


Le Pompier‚ lui‚ a l’air très inquiétant. Ces deux personnages sont habillés en noir alors que tous les autres sont colorés. Cela dit la Bonne change très souvent de costume‚ sans que le public s’en aperçoive vraiment car cela reste très discret.
Tout cela ressemble à un dessin animé ou même à un feuilleton télévisé des années 50. À Payton Place par exemple. Avec la même absurdité que dans ce feuilleton. Le tout étant renforcé par des rires enregistrés qui soulignent certaines répliques ; on est vraiment comme dans un feuilleton télévisé !
Et on entend rire alors qu’il n’y a absolument rien de drôle. Cela fonctionne bien parce que le public voit qu’on rit de choses qui ne sont pas forcément drôles alors que l’on ne va pas rire de choses qui le sont.

J.-P. H. : Vous n’avez cessé de jouer du décalage…

J.-L. L. : Parce que je me suis surtout demandé ce qu’était l’absurde de nos jours. L’absurde aujourd’hui‚ ce sont les feuilletons télévisés auxquels vous ne comprenez strictement rien si vous ne les regardez pas de manière régulière.


Il faut vraiment être comme ma grand-mère qui est accrochée au même feuilleton depuis trois ans et qui donc, sait où en sont les personnages. Sinon vous ne savez jamais où vous en êtes. Les gens se disent très souvent des choses comme « je suis votre épouse » ou « on a bien mangé »‚ ou encore « vous et moi avons un enfant »‚ toutes choses qu’ils sont censés déjà savoir ! C’est donc débile et… absurde.


Mais le théâtre de l’absurde ne veut plus dire grand-chose aujourd’hui car désormais tout le monde pratique le deuxième niveau de langage. Devant le spectacle‚ les adolescents‚ vont dire‚ par exemple‚ »c’est mortel » pour dire que c’était formidable. Ça leur paraît évident de dire l’inverse de ce qu’ils pensent. Beaucoup de choses dans le spectacle fonctionnent de cette manière. Ce genre d’affirmation d’une même idée‚ mais en négation‚ pour dire une seule et même chose est évident aujourd’hui alors qu’il ne l’était pas à l’époque. C’est ça les absurdités du langage. C’est devenu un jeu. Les jeunes comprennent cela facilement ; ils ne rient pas de la situation‚ ils rient de ce qui se dit.


C’est aussi la raison pour laquelle j’ai pris au pied de la lettre un certain nombre de répliques. Il y a une grande cohérence dans la pièce‚ des renvois‚ des retours‚ des rappels de ce qui a été dit‚ avec aussi un certain nombre d’allusions à des choses policières.
Le couple formé par le Pompier et la Bonne est inquiétant : « … peut-être qu’il vaudrait mieux ne pas continuer sur ce sujet » disent-ils en substance. Tout le monde a des angoisses. Monsieur et Madame Smith‚ par moments‚ n’osent plus du tout parler avec Monsieur et Madame Martin‚ ils ont peur de leur dire… quoi donc ? Alors ils mentent‚ mais tout le monde sait qu’ils disent des mensonges !
Comme tous les acteurs jouent d’une manière sérieuse‚ tout cela finit dans un rapport d’agressivité qui est violent. On se croirait dans une pièce d’Agatha Christie…


Je pense à une réplique où il est dit que ça a brûlé chez le voisin qui n’est pas Anglais‚ mais seulement naturalisé. Le Pompier répond qu’il ne peut pas éteindre le feu chez les naturalisés‚ que ceux-ci ont le droit d’avoir une maison‚ mais « pas celui de les faire éteindre si elles brûlent » ! Madame Smith poursuit : « Pourtant quand le feu s’y est mis l’année dernière‚ on l’a bien éteint quand même ! » Il n’en avait pas le droit‚ il a donc fait ça tout seul‚ clandestinement. « Oh‚ c’est pas moi qui irais le dénoncer ! » dit alors le Pompier. Mais sa manière de dire cette réplique nous fait comprendre qu’il faut aller le dénoncer ! Le spectateur se dit alors qu’il se trouve en présence de « collabos » en puissance.


Ce qui‚ par ailleurs‚ renforce cette idée un peu télévisuelle à tendance « enquête policière »‚ c’est que j’ai fractionné la pièce. Il y a des noirs‚ très légers‚ l’obscurité n’est pas totale‚ la maison ou le ciel restent éclairés‚ mais les fins de répliques sont toujours porteuses de mystère et d’inquiétude‚ du genre : « Ça par exemple ! » ou « Oh‚ c’est pas moi qui irais le dénoncer ! » La lumière s’éteint alors et se rallume aussitôt.

J.-P. H. : On passe en fait constamment d’un plan à un autre…

J.-L. L. : Tout à fait. C’est exactement comme dans les films policiers dans lesquels ces passages sont soulignés par de la musique. Ici il y a une bande-son importante avec une musique de Carla Bley qui semble très connue et qui‚ en même temps‚ est déglinguée. Il y a également des musiques de films d’Hitchcock‚ le tout donné d’une manière très fractionnée. On ne cesse effectivement de changer de plan.


J’ai raconté beaucoup d’histoires aux comédiens‚ scène par scène. Une sorte de perpétuel sous- texte‚ parfois graveleux. À un moment donné, Madame Martin raconte qu’elle a vu quelqu’un qui lisait le journal dans le métro. Elle n’arrive pas à raconter cette histoire ; lorsqu’elle finit cependant par le faire sous l’injonction de son mari, on a l’impression qu’elle raconte une histoire salace. Et pendant son récit elle relève un peu sa jupe‚ à peine‚ comme si elle était obligée de faire un strip-tease‚ elle qui est timide est‚ ici‚ humiliée.


On pourrait croire à la lecture de la pièce que les personnages sont interchangeables‚ mais à y regarder de plus près, on s’aperçoit que chacun a un caractère bien particulier et que des rapports de force existent bel et bien. Madame Smith est ainsi très autoritaire par rapport à Monsieur Smith qui est un être apeuré‚ inquiet. Monsieur Martin‚ lui‚ semble prêt à toutes les compromissions pour que tout aille toujours bien. Enfin Madame Martin est terrorisée‚ mais on ne sait pas par quoi‚ ni pourquoi.
J’ai donc inventé d’autres histoires avec ces personnages ; les acteurs disent que j’aurais pu écrire une pièce sur les personnages de La Cantatrice !


En fait j’ai été extrêmement respectueux du texte de Ionesco. J’ai même été jusqu’à faire dire par la Bonne les quelques rares indications scéniques que l’auteur nous donne !


Avant de monter le spectacle je disais vulgairement que c’était une pièce dans laquelle il n’était question que de sexe‚ mais que personne n’osait en parler ! En ce sens c’est une vraie caricature du théâtre de boulevard : tout fonctionne par allusions.
Prenez la Bonne et le Pompier‚ ils ont couché ensemble dans l’après-midi… mais on est dans une maison respectable. Tout est sous-entendu. Les femmes ont parfois de ces mouvements ou de ces soupirs lorsqu’elles voient le Pompier !
Le public n’en croit pas trop ses yeux ni ses oreilles‚ mais enfin lorsque l’une d’entre elles dit : « Toute à votre service monsieur le Pompier » et qu’elle croise les jambes d’une certaine manière après s’être vautrée par terre‚ sur la pelouse… Tout finit d’ailleurs‚ après le départ du Pompier‚ dans une bataille dans laquelle les couples s’arrachent les vêtements‚ s’engueulent très fort‚ et la maison‚ elle‚ ou du moins sa façade‚ s’écroule… Alors les personnages s’en vont discrètement. Sauf Monsieur et Madame Martin qui ont été désignés par les autres pour se débrouiller avec le public. Donc au milieu des décombres puisque la maison est par terre‚ ils reprennent les choses comme au début‚ c’est-à-dire qu’ils recommencent la pièce.
Ceux qui l’ont étudié savent qu’elle se termine comme cela‚ mais j’ai tenu à mettre en scène les scènes inédites de la pièce…

J.-P. H. : Mais il y a plusieurs fins parmi ces inédits…

J.-L. L. : Oui‚ il y en a trois. Mais elles ne sont pas rédigées sous forme théâtrale. Ionesco écrit : « On aurait pu faire ci ou ça… » Alors sur le plateau tout recommence ; tous les acteurs reviennent au milieu des décombres faire une espèce de photo de groupe. Ils expliquent au public que ça finit comme ça‚ mais que ça aurait pu finir autrement‚ qu’ils auraient pu faire ci ou ça…
C’est une parodie du brechtisme. Le public se dit : « Bon‚ admettons »‚ mais au fur et à mesure que les acteurs racontent cela‚ leur hargne les uns par rapport aux autres‚ leur vieille paranoïa d’avant‚ et puis l’absurdité de ce qu’ils racontent comme étant des fins possibles‚ tout cela réapparaît très vite. Tout se passe comme si les acteurs en coulisse étaient encore plus cinglés que les personnages qu’ils jouent.
Ainsi Monsieur Smith explique qu’il pourrait y avoir des gens armés de mitraillettes qui pourraient tuer les spectateurs. C’est expliqué au public sans détour ! La Bonne et Monsieur Martin vont au milieu du public pour lui dire qu’il y a des comparses dans la salle ; ils encouragent les gens à monter sur la scène‚ mais les acteurs restés sur scène lancent : « Quand ils arriveront‚ nous les tuerons à coups de mitraillettes »…
La vraie fin se termine en queue de poisson ; le rideau tombe très vite et l’on entend cette réplique : « Bande de coquins‚ bande de salauds ! »


La Cantatrice chauve est une formidable machine à jouer‚ une machine à faire du théâtre. Ça parle de la petite bourgeoisie mais c’est surtout une parodie de théâtre comme il y en a peu en France. Ionesco se moque de la comédie policière‚ du théâtre de boulevard‚ du théâtre bourgeois à la Bernstein‚ du théâtre anglais‚ mais aussi de Brecht‚ il se moque de la mise en scène‚ de tout en un mot !

J.-P. H. : Qu’est-ce qui a poussé le metteur en scène (et l’auteur) que vous êtes à monter ce spectacle ?

J.-L. L. : J’adorais la pièce lorsque j’avais 15-16 ans. Quand j’ai commencé à faire du théâtre professionnel‚ j’ai eu envie de la mettre en scène. Heureusement cela n’a pas pu se faire car je m’aperçois que je n’aurais pas pu réaliser un spectacle comme celui que je viens de faire. Je voulais vraiment qu’il soit question de la petite bourgeoisie française.


C’était très différent de ce que j’avais fait auparavant puisque j’avais travaillé sur des textes du XVIIIe siècle puis sur des textes très contemporains. Je désirais mettre en scène des textes drôles. J’ai monté On purge bébé de Feydeau et je me suis dit que j’aimerais mettre en scène cette pièce avec La Cantatrice chauve. Mon idée était de réaliser un spectacle de trois heures avec les deux pièces. Mais cela a été très compliqué. On purge bébé‚ n’était pas un spectacle très abouti ; l’idée de travailler sur La Cantatrice chauve en a été confortée. Tout le monde a trouvé que c’était à la fois un bon gag et une idée idiote !...


Mais j’ai persisté dans mon idée surtout après avoir vu Les Chaises mises en scène par Jean-Luc Boutté. Je me suis dit qu’il avait vraiment raison‚ et que Ionesco était un auteur formidable. Lorsque l’on parle de Ionesco aux gens de ma génération‚ ils sont absolument atterrés. Moi je trouve que La Cantatrice chauve est une vraie pièce‚ une machine à faire du théâtre‚ je le répète.


Au moment où j’ai mis en scène La Cantatrice‚ François Rancillac‚ qui a monté une de mes pièces‚ était lui aussi atterré‚ mais‚ lui‚ a mis en scène Ondine de Giraudoux et‚ moi‚ l’idée que l’on puisse mettre en scène l’Ondine de Giraudoux me paraît complètement surréaliste. C’est comme ça ! Il n’y a pas si longtemps, je plaisantais sur Bernstein‚ mais quand Robert Cantarella a mis en scène Le Voyage‚ j’ai trouvé ça vraiment intéressant et même plus : formidable pour les acteurs. Le Voyage de Bernstein mis en scène par Cantarella est un superbe spectacle. Je suis sûr qu’il y aurait quelque chose à faire avec Sacha Guitry. Si je montais une pièce de Sacha Guitry‚ tout le monde se regarderait en se disant que je ne vais pas très bien. Et pourtant je trouve que Daisy est une très belle pièce. Le monde théâtral fonctionne ainsi‚ de manière conventionnelle !


J’aime beaucoup La Cantatrice chauve‚ pas forcément Le Rhinocéros ou Le Roi se meurt…
Et puis je dois dire que je trouvais qu’il y avait un rapport d’injustice à l’égard de La Cantatrice chauve‚ parce que c’est quand même un peu tragique ce qui se passe‚ le fait que la pièce soit toujours bloquée au Théâtre de la Huchette.
À l’automne prochain‚ ça fera cinq mois que le spectacle tournera et tout le monde se dit déjà maintenant : « Quelle idée géniale d’avoir monté ça ! » mais il n’empêche que nous avons eu beaucoup de mal à boucler la production. D’autant que c’est un spectacle relativement lourd et cher. Il nécessite un assez grand plateau pour un décor important.


En plus La Cantatrice chauve est un spectacle qui avait mauvaise réputation au niveau des décideurs. La pièce n’est pas politique et Ionesco était quand même très connoté à droite alors que le théâtre français est‚ lui‚ connoté à gauche… Et puis quand vous dites que vous allez monter La Cantatrice chauve ils se disent tous que ça va être comme à la Huchette…

J.-P. H. : Concevez-vous que cette pièce ait révolutionné l’histoire du théâtre ?

J.-L. L. : Oui‚ c’est bizarre… La pièce a été jouée en 1950‚ n’est-ce pas ? Et le succès à la Huchette date de 1957 je crois‚ l’année de ma naissance. Tout s’est passé avant ma naissance et pourtant c’est une pièce contemporaine !


Ionesco est allé très loin dans la voie de l’absurde‚ et il n’a pas vraiment eu de successeur‚ tout comme Beckett d’ailleurs. La Cantatrice est une chose rare.

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