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Famille(s) - Triptyque


: Note d’intention et projet de mise en scène pour

Pères, Mères, Enfants, Grands-pères, Grands-mères, Fils, Filles, Petit-fils, Petites-filles, Jumeaux, Chiens.


Trois courtes pièces qui en font une... ...Trois univers différents mais familiers Trois auteurs d’aujourd’hui... ...Décortiqués Trois temporalités... ...Cinq Acteurs Un Chien ?


Sur La Famille


La famille est un thème qui m’est très cher.
J’en ai une, je l’aime, je la hais, elle m’étouffe, et me fait vivre. C’est la mienne. C’est la tienne, c’est la notre.
On y rit, on s’y ennuie (ohlala), on y joue, on y boit, on se dit qu’on n’y retournera plus, et puis…
C’est ce père, cette mère, ce frère, que j’ai envie d’exposer, d’exploser, et de montrer parce que je les aime tant, et que ça en vaut la peine.


Je tiens à parler du Monde par ce prisme fondamental qu’est La Famille, la base que nous partageons tous, qui nous élève, nous plombe et nous situe dans ce monde.
Nous y sommes affreux, drôles, beaux, bêtes et touchants.
Nos petitesses et nos grandeurs, nos envies, nos lâchetés, nos tentatives honnêtes, nos hontes assumées.
Et aussi nos fixettes, nos échappatoires, un souvenir, un repas, une photo, une chanson, une ballade.
Le squelette des choses.


Sur Les Textes


Sur ce thème crucial, j’ai donc choisi en premier lieu « Madame If reçoit » de Philippe Minyana, et « Bon, Saint-Cloud » de Noëlle Renaude, deux auteurs qui font éminemment partie de mon parcours de comédienne. Ensuite s’est imposée « la Pose » de Carole Fréchette, une nouveauté pour moi, dont l’écriture très cinématographique contraste avec les précédents, et met en lumière leurs singularités.
Je les ai choisi parce que leurs univers ont en commun d’être jubilatoires, incisifs, drôles et poignants.
Mais aussi parce que leurs écritures respectives me semblent d’une telle force qu’elles nous laissent libres de les interpréter, les saturer, les tordre et les mettre à plat, sans en perdre la substance. Les trois tableaux de famille sont très différents, par leur milieu social, l’ambiance, mais surtout par l’écriture, unique à chacun. Cependant tous trois seront liés entre eux par les acteurs et le traitement scénique, notamment la vidéo, afin de créer une vraie unité.
Les acteurs vont inverser les rôles, les genres, les ages, se mélanger, nous embrouiller.
Qui est la mère, où est la soeur, je croyais que c’était une fille, mais quel âge a-t-il, c’est quoi ce truc, c’est drôle, j’ai une boule au ventre, les larmes aux yeux, ah c’est passé ?
Un super huit, une journée au manège, un vide grenier.


Sur Le Temps


Un des intérêts majeurs, à traverser ces trois oeuvres et à les proposer côte à côte, est le suivant : bien qu’elles soient toutes trois d’une durée identique (25 min), elles jouent chacune sur une temporalité différente et unique :


Chez Minyana, le temps passe, lentement, et avance par « brève ellipse », « courte ellipse », et « ellipse », véritables métronomes de cette oeuvre.
La pièce se déroule en deux dimanches après-midi, identiques, immuables et interminables. Mais finalement heureux, et qu’on sait répétés à l’infini, une grande roue, cyclique.
Chez Carole Fréchette, nous sommes en temps réel, dans un plan séquence derrière l’objectif de l’appareil photo d’où le choix d’en faire un film, projeté en interaction avec ses mêmes acteurs, sur scène, qui figureront le hors-champ. Il n’y a aucune saute de temps, chaque seconde est vécue, nous sommes au temps présent.
Puis Chez Noëlle Renaude, sans crier gare ni nous prévenir, voilà que nous couvrons 40 ans d’une famille, en deux générations successives, et cette fois aussi en dimanches après midi qui ne passent pas…


Comme des existences entières en accéléré, et pourtant posées.
Comme en résumé, pour n’en garder que l’essence et en montrer les signes.


Donc dans l’idée de proposer ces trois oeuvres en triptyque, s’ajoute cet élément ludique qui est de jouer avec le temps, sur la façon dont il est exprimé, vécu, et traité.


Je veux donc par là entamer une réflexion sur la gestion et le traitement du Temps au théâtre, d’abord par les auteurs, puis par ceux qui le portent sur scène.


Mon Projet de Mise en Scène


Chez Mme If, nous sommes écrasés, étalés contre le mur en fond de scène, comme en vitrine, tout est à voir, même si au premier abord il n’y a pas grand-chose…un vide assez sidérant, néanmoins lumineux et farcesque.
Tout parait normal, mais nous sommes constamment au bord d’un précipice. On s’y promène.
Ici l’on suggère les Histoires, les non-dits, l'affection profonde, les décalages, les furies, l'amour inconditionnel et maladroit. Du quotidien.
Inspirée par les lumières vacillantes et l’inquiétante étrangeté de l’univers lynchéen, j’ai néanmoins choisi de placer « ma famille » dans un décor qui n’est pas sans rappeler les ambiances du photographe anglais, Martin Parr : la banalité du quotidien, avec radio-nostalgie en fond sonore dans la cuisine, tandis qu’une tragédie antique se joue dans la salle à manger.


Dans la famille plus bourgeoise de Carole Fréchette, là aussi on cherche sa place, et tout prend des proportions incroyables.
Le carré familial -père mère fille fils- est bancal, l’appareil s’enraye, et soudain, c’est la guerre.
La pièce étant une longue et unique scène, durant laquelle on tente de prendre une photo, et l’écriture étant « réaliste », j’ai fais le choix d’en faire un film, plan unique, qui sera celui vu par le viseur de appareil photo, et projeté sur scène.
Les protagonistes ne sont pas toujours ensemble dans le cadre, ils sont aussi parfois hors champ, sur scène, en chair et en os. Ils se changent pour la photo, cherchent leur sac, et tentent aussi de faire fonctionner l’appareil, ce qui provoquera toutes sortes de dérèglements visuels.
Des acteurs, des personnes en transit entre l’appartement de Mme If et celui de Saint-Cloud, déménageant, et en interaction avec leur propre film, leur propre image projetée.
Ils seront spectateurs comme nous, mais d’eux-mêmes.


Il s’agit là de créer un souffle, une respiration entre les deux formes en miroir que sont « Madame If » et « Bon, Saint Cloud » et d’utiliser des formats qui proposent des visions du monde différentes.
Et puis comme pour tous les gens de ma génération, le cinéma n’est pas en option, il est partout présent et le film est comme notre identité contemporaine.
Il est par ailleurs décidé que pour les premiers et derniers tableaux, nous utiliserons le principe de phrases projetées. Pour distinguer la parole dite de la parole pensée, avouer les sentiments interdits, et par là proposer un autre mode d’adresse au public, en nous ramenant au mot écrit, lisible.
Grâce à ce procédé et au traitement de l’image projetée, le lien entre les trois oeuvres devient cette fois physique et visible.


Pour le troisième et dernier tableau qui présente la famille de Noëlle Renaude, nous sommes dans un cadre, au sens propre. Un tableau vivant, où par l’écriture organique qui mêle didascalies, pensées, répliques, actions et commentaires, l’on plonge dans un théâtre-récit ultra ludique, et cyclique.
Apparaît un monde concret, réel, où tout est reconnaissable, et dépouillé de tout artifice, une fois assimilé par l’acteur qui se doit d’être virtuose.
Ici c’est un minimalisme amusé qui se place en réponse à la « farcerie » kitsch du premier tableau et nous rééquilibre.


Je propose ce triptyque théâtral comme une exposition de nos familles impossibles, en France et ailleurs.
Mais aussi un voyage dans l’écriture contemporaine et ses formes possibles.
Ce qui m’intéresse dans la mise en scène est de déformer les choses, les étirer, les mettre à plat au microscope.
Et puis ensuite les laisser respirer.


Je veux donc proposer des formes : artistiques, théâtrales, orales, et faire des choix, aujourd’hui.
J’aime le théâtre, quelle liberté !

Crystal Sheperd-Cross

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