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Fracas

+ d'infos sur le texte de Olivier Brunhes
mise en scène Olivier Brunhes

: Entretien imaginé

Comment ce projet est-il né ? Pourquoi avoir répondu à la sollicitation du Théâtre du Cristal ?


O.B : En tant que metteur en scène, qu’auteur de théâtre, je m’intéresse davantage aux explorations inédites qu’au répertoire et à sa transmission / conservation. En ce sens, la possibilité d’écrire un spectacle pour et avec des acteurs différents (que j’aime appeler extraordinaires car ils sont, littéralement, en dehors de l’ordinaire), entre parfaitement dans cette ligne d’inspiration particulièrement intense pour moi.


Il s'agit, si j'ai bien compris, d'aborder la fêlure, le moment de la rupture dans un parcours. Qu'est ce qui t'intéresse dans ce thème ?


O.B : A mes yeux, une des fonctions de la création est la réparation. Dans un certain sens, l’art est l’outil du souffrant. Je m’intéresse à cette bascule entre la douleur et la possibilité de sa transcendance (comique ou tragique). Par ailleurs, je trouve que notre époque se caractérise par un certain nombre de ruptures irréversibles, de changements étonnants, de révolutions dans lesquelles chacun semble être perdu, du plus puissant au plus humble. J’ai parfois l’impression désagréable d’être embarqué dans un autocar lancé à toute pompe dans les infractuosités du monde.
L’angoisse s’infiltre dans nos tripes comme un ver, nous nous observons en chiens de faïence, nous nous demandons qui a les clefs pour stopper la machine tandis que nous frôlons le gouffre vertigineux. Je veux, dans ce spectacle, parler du gouffre vertigineux, avec ces actrices et ces acteurs dont l’expérience personnelle permette de rendre compte d’un vécu sur le normal et l’anormal, la rupture (ce que certains appellent l’accident de vie), la sensation d’être du bon ou du mauvais côté de la barrière. Je ne suis pas sûr qu’il y ait un autre côté dans la vie, ni en soi d’ailleurs, seulement le même, plus vaste et peut-être plus désespérément clos à la fois.


Comment les histoires s'articuleront-elles les unes aux autres ? S'agit-il de tableaux indépendants juxtaposés, ou y a-t-il des liens entre les différentes histoires de vie ?


O.B : Il ne s’agit pas d’histoires, dans le sens où l’anecdote aura peu de place dans ce projet. Je voudrais que nous puissions rendre compte de la pulsion qui fait basculer. L’instant de bascule du destin. La prise de conscience de cet instant.
Par exemple, je travaille pour cette pièce, avec d’anciens détenus dont les crimes et délits ne m’intéressent finalement pas. Par contre, nous explorons ensemble ce qui s’est passé en eux, quelle pulsion les a poussés à franchir la ligne jaune de la loi. Curieusement, à cet endroit-là, nous retrouvons des situations, des lieux, des figures, des animaux qui ressemblent à d’autres ruptures, d’autres divorces, nos propres histoires… A des mythes aussi souvent… je cherche à tirer la substance poétique de tout cela, le chant. La pièce se construit donc avec le groupe, directement, comme un tableau aux différentes couleurs. C’est la cohérence de ce tableau, ses temps tragiques, ses temps drôles, ses flots de paroles et ses silences qui présideront à la construction. Je travaille également avec des extraits de textes d’autres auteurs (Dostoïevski, Jack London, Patrick Declerck, un recueil de textes écrits par des SDF, etc).


Pourquoi avoir réuni cette distribution, en apparence hétéroclite ? Ces acteurs, qu'apportent-ils de particulier ? N'y a-t-il pas un risque de décalage entre des comédiens dont certains sont des professionnels expérimentés, et d'autres des comédiens en situation de handicap ou de marginalité sociale dont le style de jeu est probablement différent ?


O.B : L’exigence de ce travail, c’est d’oublier les codes de jeu connus pour en inventer un particulier. Les actrices et les acteurs avec lesquelles je pars dans cette exploration sont choisis avec soin.
Un grand professionnel, expérimenté, ne doit finalement pas montrer qu’il joue, non ? Quelle différence alors avec quelqu’un qui (soi-disant) ne joue pas ?... Plus sérieusement, il s’agit-là d’un spectacle hors-normes. La norme et le style de ce spectacle s’invente au fur et à mesure de sa construction/écriture. Par ailleurs je déteste les ghettos, troupe handicap, troupe pros, troupe amateurs, etc. De quoi essayons-nous de nous rassurer ? Dans une exigence impitoyable - théâtrale, j’ai souvent mêlé les personnes très différentes dans mes spectacles. Le théâtre est pour moi le lieu de la rencontre. C’est sa richesse.


Si tu devais rédiger un journal, faire des prises de notes à la volée, quelles seraient les règles, les axes de travail, que tu te définirais à toi même ? Les recommandations que tu t'adresserais ? Les risques que tu anticipes? Les vrais sujets d'excitation, d'intérêt et de plaisir que tu éprouves ?


O.B : Ne jamais se laisser piéger par la complaisance, la complaisance d’être une victime. Par exemple : un pauvre petit handicapé, pauvre prisonnier, pauvre acteur…
Eviter de napper le récit d’une sauce sirupeuse qui ne rendrait pas compte de la rupture, mais du sentiment qu’on a sur elle. Nous laisserons cette part là au spectateur. Dans la parole récoltée, chercher la moelle, rester près de l’os, restituer cette matière dans l’écriture. Sans faille. S’interdire de pousser les protagonistes dans la souffrance tout en maintenant une implacable exigence de vérité.


Question subsidiaire à laquelle tu n'es pas obligé de répondre : Et la faille chez toi ?


O.B : Viens voir le spectacle, tu me diras…

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