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: Le cycle d’Emma

Propos recuellis par Julien Fisera

Caroline Guiela : Elle brûle est le deuxième volet d’un cycle autour de Madame Bovary.
Le premier volet s’appelle Le bal d’Emma. Ces deux volets sont dissociables et autonomes.
Notre projet Le Bal d’Emma s’appuie sur des problématiques chères à Flaubert : la chute des illusions, les promesses non tenues, et suite à ces déceptions, le monstre que l’on devient car on a chuté de trop haut. Ce projet nous le réaliserons en Juin 2011 lors du festival Ambivalence(s) qu’organise la Comédie de Valence. Ce festival problématise l’acte théâtral dans l’espace urbain. Il interroge aussi les nouvelles formes d’écriture contemporaine. Ce festival fait écho à nos recherches: l’espace et la parole. Nous créerons donc in situ dans une salle de bal des années 70 déjà existante dans une commune proche de Valence: Montélier et toujours sur le même principe, Mariette Navarro écrira à partir du plateau.


Le bal est un moment clef dans Madame Bovary. On retrouve déjà le bal dans ta version d’Andromaque et aussi dans ta lecture de Marguerite Duras ou les dessins animé de ta jeunesse comme La Belle et la bête. Qu’est-ce que le bal pour toi et pourquoi est-ce que tu ramènes toujours du bal dans tes travaux ?


C. G. : Cet espace me touche pour plusieurs raisons, la première étant effectivement celle d’un rêve enfoui dans l’enfance de la petite fille que j’étais. Sans parler des films de Walt Disney faisant partis d’un patrimoine populaire et pas du moindre, le bal porte en lui-même une promesse silencieuse: celle de la rencontre et du changement. C’est avec cette promesse en tête que les gens se préparent, mettent leur plus beaux habits et attendent près d’un comptoir que quelqu’un vienne. C’est donc chargés de cet espoir et baignés dans l’attente qu’une chose extraordinaire arrive que le bal et ses participants constituent pour moi une charge dramatique et théâtrale très forte. J’ai toujours été sensible aux personnages et aux pièces qui posent la question de l’attente, celle en vu de la transformation. Cette transformation porte en soi une forme d’utopie, une chose impossible. Lorsqu’Hermione attend Pyrrhus, elle n’attend pas uniquement de lui l’amour qui lui est dû, elle attend le chamboulement, l’auteur, le sculpteur de la nouvelle femme à venir. Ainsi, le bal, en même temps qu’il promène ses rêves porte aussi ses désenchantements. Après avoir fini la dernière bière, après avoir écouté la dernière chanson derrière une plante verte, il est temps de repartir chez soi, avec les mêmes habits et se retrouver là où nous étions avant de monter dans le carrosse. Naît alors, comme chez Emma ou même Duras quand elle écrit Le Ravissement de Lol V Stein, une dépression, une hystérie. Lol après le bal se met à hurler, Emma elle, tombe dans une profonde dépression et ne trouve rien à faire que de boire des dizaine de litres d’eau... Il est donc tout aussi théâtral pour moi, de voir comment cette chose qui n’est pas arrivée, cette promesse non tenue, vient créer une explosion dans l’identité même de la personne. Il ne s’agit pas uniquement ici de voir comment les aspirations de chacun portent une forme d’impossibilité mais comment le retour au réel, et donc la marque de l’impossible changement, crée un tremblement identitaire chez nos personnages. Comment la conscience d’une forme d’immuabilité, comment la conscience que personne ne viendra nous transformer, fait naître en nous immédiatement un comportement destructeur. L’espace du bal est donc doublement dramatique, il porte en lui deux temps, celui d’avant les douze coups de minuit et celui d’après. Celui de l’enchantement et de la dépression.

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