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Baglady

+ d'infos sur le texte de Frank McGuinness traduit par Joseph Long
mise en scène Stuart Seide

: Exorciser le passé

Depuis quelque temps, on remarque que certains auteurs irlandais ont envie de parler de ce dont il ne faut pas parler, de sujets que l'Irlande préfèrerait ne pas aborder. Pendant longtemps, l'Irlande a embelli certains aspects de sa société comme de son Histoire, et en a dissimulé d'autres. Certains auteurs qui avaient des comptes à régler avec l'Irlande ont donc souhaité parler du beau et du moins beau, pour crever l'abcès, pour mettre le doigt là où la société officielle refusait qu'on le mette, pensant qu'il était temps pour l'Irlande de s'assumer et d'assumer ses vieux fantômes : " les squelettes dans les placards ".
Ainsi Baglady rend-il compte, entre autres, de la force des " non-dits ", des tabous et de l'hypocrisie de l'Eglise. L'avortement est toujours illégal en Irlande et le divorce y a été voté il y a dix ans à une majorité infime. La chape moralisante et hypocrite de l'Irlande produit des êtres " tordus " et disloqués comme cette baglady.


L' intérêt que je porte au théâtre irlandais date de très longtemps, mais j'ai lu Baglady il y a trois ans. C'est à présent que je ressens la " nécessité " de monter cette pièce car le théâtre permet de parler de choses qu'on préfèrerait parfois ignorer. Il permet de parler de l'innommable, de donner la voix à ceux qui n'ont pas la parole, les gens de l'ombre, ceux qui ne comptent pas, d'entendre leurs souffrances et leurs rêves.


L'espace scénique est un lieu - un laboratoire - où nous regardons les êtres humains en état de stress, qu'il soit tragique ou comique.
Pour Baglady, on a placé le personnage dans une boîte blanche bien éclairée, pour mieux voir ses traits et ses cicatrices, pour essayer de comprendre. Il fallait un lieu qui fuie toute dénotation de lieu précis, un lieu pur, autour du personnage, qui fasse ressortir toutes les impuretés liées à ses vêtements, à son comportement ou à ses souvenirs. Ce personnage est hors espace et hors temps, puisque le temps s'est figé pour lui.
Le rôle pourrait être joué par une actrice de soixante ans comme de vingt ans puisque la baglady parle comme la petite fille qu'elle a été, le temps s'étant arrêté à l'instant du traumatisme. Nous sommes donc face à un " animal " meurtri, un " spécimen " que nous allons observer. Nous allons nous regarder, examiner ce que nous sommes, quand nous sommes soumis à des forces inimaginables.
Le lieu scénique sera donc une sorte de boîte dont les lignes ont subi une certaine torsion. Les murs ne seront pas perpendiculaires. Il s'agit en fait d'un espace mental où le personnage apparaîtra contre la paroi du fond comme " au pied du mur ".


Les faits ici exposés se sont passés il y a longtemps : le père achète avec un collier le silence d'une jeune adolescente. Néanmoins, le personnage parle de faits qui se sont passés il y a une quinzaine d'années comme s'ils s'étaient passés hier, avec le langage de la jeune adolescente qu'elle était alors. Sa vie se déroule donc sur deux temps : le temps de la maison familiale où elle était un personnage et le temps de la route où elle est la " baglady ".
Quoi qu'il en soit, cette pièce ne condamne pas l'espoir. A la fin, elle se dépouille de ses vêtements, des vêtements du père. Littéralement, elle mue. La fin n'est pas vraiment pessimiste. C'est une façon pour elle d'exorciser son passé afin de pouvoir vivre une nouvelle vie.


Stuart Seide
Propos recueillis par Yannic Mancel janvier 2001

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